Comme plusieurs, j’ai eu quelques palpitations en suivant à
distance le dévoilement des nouveaux appareils présentés par Apple le 23
octobre dernier, dont le tout nouveau iPad mini. Mais la véritable révolution
est passée presque inaperçue.
Le moment pivot de la présentation de Tim Cooks se trouvait
dans ces paroles : « 2500 schools in the US are using iBooks
textbooks. Small publishers,
teachers, universities, are all using this to provide engaging content. » Puis,
il ajoutait « The latest version of iBooks author is being announced
today. »
Voilà le nouveau marché convoité, tout le reste n'était que
pixels et circuits électroniques!
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L’école d’Athènes. Raphaël. 1511.
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Depuis les premiers développements technologiques des
réseaux informatiques dans les années 60, des projets novateurs ont vu le
jour dans le domaine de l’éducation. La capacité de diffusion mondiale
instantanée des contenus annonçait nécessairement un immense potentiel. Cette
fois, la période d’expérimentation en milieu contrôlé au sein du monde
universitaire est terminée. Désormais, le combat est amorcé pour s’approprier
le marché global de l’éducation, de la maternelle jusqu’au doctorat.
Apple s’est déjà taillé une
place de choix dans le système d'éducation américain avec un fort engouement
pour les iPads et le déploiement de ses outils: « iBooks textbooks are now
available for 80 percent of the US high school core curriculum. ». En
faisant la promotion des outils iBooks Textbooks et Author, Apple donne aux
professeurs les moyens de produire facilement des contenus dynamiques.
Ce qui manquait pour propulser
le changement, seul Apple pouvait l’offrir au monde : la convivialité! En
offrant un outil en réseau facile d’utilisation (iPad/iOS), avec un format de
lecture des contenus dynamique (iBooks Textbooks) et un outil simple pour
produire les livres et les partager (iBooks Author), l’équation est complète.
Il ne reste plus qu’à produire des contenus et à les partager. Tout est
gratuit, sauf la tablette, évidemment!
Il ne s’agit là que du début d’une lutte commerciale sans
précédent dans laquelle chacun déploiera ses propres armes. Apple oriente sa
stratégie éducationnelle autour de ses forces, soit la production d'outils
technologiques et d’interfaces intuitives.
Google mets aussi l'accent sur ses forces avec ses outils de
recherche et propose au monde de l'éducation ses divers outils de collaboration de la suite Google:
Blogger, Calendar, Groups, iGoogle, ... Google choisit donc de se positionner
dans le repérage de contenu disponible sur le Web et incite le milieu de
l'éducation à produire et à partager des contenus en ligne.
Des entreprises comme Amazon ont fait le choix de proposer
la vente de livres électroniques via le Web. Ils s'insèrent dans le système
classique des éditeurs et diffuseur qui contrôlent le contenu et visent à
remplacer la librairie conventionnelle.
Trois géants, trois modèles. Apple offre les outils de
création gratuitement et vend des tablettes pour consulter les contenus. Google
fait ses profits grâce à la publicité insérée à travers ses résultats de
recherche. Amazon se fait vendeur et tire sa part de profit sur chaque livre
vendu.
L’avenir passe par l’éducation ouverte et le partage des
contenus. Tout comme l’industrie de la musique et du cinéma ont du se
réinventer, la transmission du savoir sera profondément bouleversée au cours
des prochaines années.
Et cette révolution va largement au-delà de la lutte
commerciale. Elle se déploie tout azimut dans une multitude d’initiative
universitaire cherchant à étendre les possibles dans le domaine de
l’éducation : cours en ligne, MOOC, contenus partagés en ligne sous
licence Creative commons, … L’engouement pour ces initiatives universitaires
s’ouvre hors des institutions, les groupes d’apprentissage (cercles
d’apprentissage, universités populaires, …) se multiplient dans plusieurs
grandes villes du monde.
Toutes ses initiatives se
tissent les unes aux autres pour faire émerger une nouvelle approche de la
transmission du savoir. C’est l’amorce d’une véritable révolution pour l’humanité,
celle de l’intelligence collective à l’échelle planétaire. Bien des enjeux
seront à surveiller, notamment l’accès aux outils technologiques
(inforiches/infopauvres), la transformation du métier de professeur et la très
problématique question du droit d’auteur.
Avec l’incroyable capacité d’Internet à permettre le partage
des contenus de par le monde, le savoir pourrait en arriver à être perçu comme
une ressource vitale à l’être humain, tout comme l’air que l’on respire ou
l’eau que l’on boit. Si les réseaux peuvent permettre une meilleure
intégration des savoirs à l’échelle humaine, force est de constater que
l’humanité n’a toujours pas réussi à rendre équitable le partage de l’eau
potable à l’échelle mondiale.